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— Tu les garderas toujours, n’est-ce pas ?

— Certainement.

— Est-ce que tu veux partir d’ici ? me demanda-t-elle en sortant d’une rêverie.

— Tout de suite, non.

— Mais plus tard ?

— Sans doute, je veux retourner en France.

— Et pourquoi ? N’es-tu pas bien ici ?

— Oui ; mais toi, n’aimes-tu pas Nuoro ?

— Oh ! si !

— Et tu ne voudrais pas vivre ailleurs ?

— Quelle idée ! Puisque je suis de Nuoro !

— Eh bien ! moi aussi, puisque je suis Français, je veux vivre en France.

Elle resta muette devant cet argument ; mais, attristée, elle reprit :

— C’est égal, tu devrais rester. Reste ici ! je serai ta petite femme. Veux-tu ?

— Non, je te remercie ; je veux épouser une Française.

— Méchant ! dit-elle en soupirant.

Elle riait l’instant d’après ; mais ces enfantillages, sans m’inquiéter précisément, me tenaient en garde. Elle était à l’Age où la jeune fille s’agite dans l’enfant, où toutes sortes de naïvetés charmantes et dangereuses se font jour, où l’instinct du sentiment le précède parfois d’une manière étrange. Elle grandissait beaucoup : les contours de sa taille se développaient ; on lui voyait naître des graces qui n’étaient plus enfantines, que le jour d’après, quelquefois, on ne retrouvait plus et qui, soudain, reparaissaient comme des feux follets. Sa pensée n’était plus celle de l’enfant, et, nonobstant, elle la disait avec une ingénuité complète. Cependant, comme elle n’avait que treize ans, bien qu’elle fut grande et que déjà son corset accusât l’aube de la puberté, on la laissait courir et parler en liberté. Elle faisait seule, en petite fille, dans le village, les commissions, et emplettes de la maison, et servait de compagne à sa sœur Grazia, qui, elle, ne sortait pas seule.

André Léo.

(À suivre.)