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derrière le bout de l’Ortobene. Au nord-ouest, sur un mont stérile, se dresse un nur-hag, à demi écroulé. Ce ne sont partout que cimes et profondeurs. À vos pieds, sous la montagne, près d’une chapelle isolée, détail à peine perceptible dans tout cet espace, mais éloquent, une croix de bois, au-dessus d’un tas de pierres, qui marque la place d’un meurtre.

Là, se trouvait aussi le chemin de la fontaine de Gurgurigal, celle où allaient puiser les filles de Ribas. Il était six heures, et je restais là, baigné par le vent du soir, tantôt les regards perdus dans le paysage, tantôt les ramenant près de moi, sur quelque fille qui passait, la cruche sur la tête, droite, et le sein et la hanche bien dessinés, avec cette désinvolture élégante et fière, particulière aux Noréziennes. Comme je m’approchais du chemin, fort encaissé, qu’elles suivaient, j’aperçus au-dessus du talus derrière une touffe de lentisques, une tête qui s’avançait, puis se retirait, comme celle d’une personne qui se cache. Je n’y eusse guère fait attention, si je n’avais cru reconnaitre Effisedda.

Justement je pensais à elle. La veille, jour de la Saint Jean, elle m’avait apporté une botte de fleurs jaunes, petites et délicates, d’un parfum pénétrant, qui sont très abondantes sur ces montagnes, et que l’on appelle dans le pays : fleur de Saint-Jean ; c’est Phellerysium vulgaris. Le 24, chaque famille fait provision de ces fleurs et les fait bénir à l’église. Elles ont la vertu de guérir, quand elles sont appliquées sur la partie malade, sans aucune autre préparation qu’une grande foi envers le bienheureux Saint-Jean ; et comme on ne sait jamais tous les miracles que la foi peut faire, ces fleurs bénites peuvent également servir de talisman à toutes sortes de fins. Ce fut en cette qualité qu’Effisedda me les apporta.

— Car je veux que tu sois heureux ! me dit-elle.

Elle exigea que je misse les fleurs dans ma malle et en orna ma boutonnière.