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est menacé d’une vendetta. Il faut s’en occuper et le défendre. Si Nieddu veut l’attaquer, il aura affaire à plusieurs. J’ai parlé à d’autres de ma famille, et je n’ai pas voulu te mettre à part, Effisio ; car tu es avant tout un galant homme. Vous, signor français, mon hôte, vous me ferez plaisir de l’accompagner. Il faut se concerter. Venez à midi ; nous causerons à table.

Effisio avait changé de couleur. Il tarda quelque temps à répondre, puis dit :

— Merci de votre confiance ! j’irai.

— Je ne suis pas du pays, dis-je à de Ribas, et je crains que mon avis ne déplaise.

— S’il déplait, on ne le suivra point, me répondit-il ; mais à chaque homme son droit de penser.

Il n’en dit pas davantage, et nous quitta, plein de préoccupation.

Ce fut la curiosité qui me conduisit au rendez-vous. Je comprenais bien que c’était folie que d’espérer prendre en passant quelque influence sur de telles mœurs ; mais il m’intéressait vivement d’entendre leurs opinions. Je sentais aussi que ma présence fortifierait Effisio. Il était profondément troublé par l’idée, non-seulement de revoir Grazia, mais d’intervenir dans sa destinée. Que dirait-il ? Sa situation était doublement difficile : on soupçonnait ses regrets, et ses paroles pouvaient être mal interprétées ; quand, d’autre part, il avait à veiller sévèrement sur lui-même pour donner un avis détaché de tout intérêt personnel, et favorable à son rival, tout en étant conforme à la justice.

Jusqu’à l’heure où nous partîmes, il resta péniblement songeur.

Nous arrivâmes chez de Ribas à midi quelques minutes, et la première personne que nous vîmes à l’entrée, c’était Grazia. Elle venait de la cuisine, portant entre ses mains une minestra fumante[1]qu’elle allait déposer

  1. La minestra est un potage au riz ou aux pâtes, avec lard et légumes.