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pectés, gardent à travers les siècles leur solidité morne et mystérieuse.

Quelles mains les ont élevés ? Un grand nombre de suppositions ont été émises et soutenues, dont les plus sérieuses sont celles qui regardent les Nur-Hags comme des autels de la religion phénicienne et punique consacrés au culte de la lumière (La Marmora), ou comme des constructions cyclopéennes (Petit-Radel), — ou comme des sépultures aristocratiques, élevées par les habitants primitifs de la Sardaigne. Le peuple, qui a aussi sa version, les appelle : Fours des géants. La destination indiquée par le mot four est plus que contestable ; mais l’attribution de ces étranges monuments à des races primitives et gigantesques, disparues, est l’idée qui vient facilement à l’esprit en face de toutes ces constructions énormes et rudimentaires qui, depuis les allées de Carnac jusqu’aux Nur-Hags de Sardaigne, semblent témoigner en même temps de muscles immenses, et d’un esprit, humain sans doute, mais sans jour et sans alphabet.

Je revins le lendemain à Nuoro, avec le vague espoir qu’Antioco suivrait mon conseil et sauverait à la fois sa vie et le bonheur de mon ami. À peu de distance du village, dans le ravin, j’atteignis un cavalier qui, monté sur une petite jument noire, revenait chargé de deux fagots d’herbe, débordant de chaque côté de sa bertola[1]. Il avait le fusil à l’épaule et murmurait un de ces chants sardes, si monotones qu’ils ressemblent à des litanies. Au bruit de mon cheval il se retourna et je reconnus le visage doux et mélancolique de Nieddu.

— Buora sera ! signor.

— Baora sera, Nieddu. Vous revenez des prés ?

— Oui, signor ; il faut bien songer à l’ali-

  1. La bertola est une grande besace, faite d’une grosse étoffe à raies, dans laquelle le paysan sarde transporte à cheval l’herbe, ou les denrées, quand il ne la porte pas sur l’épaule