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— Très-bien ! Mais c’est justement ce qui ne me convient pas, de le faire triompher de moi, ce Nieddu !

— Mon cher Antioco, il faudrait être logique ; l’amour-propre vous est-il plus cher que la vie ? Restez ! Préférez-vous la vie, au contraire ? Fuyez !

Et si Cagliari vous paralt trop près d’ici, allez à Naples.

— À Naples ? Ah ! par exemple, ça m’irait tout-à-fait ça : aller à Naples. Cette fois, la mer à passer, ça ne se fait pas facilement. Oui ! à Naples, je n’aurais rien à craindre, et c’est, paraît-il, un pays superbe…

Il s’établissait à Naples comme il avait fait à Cagliari ; quand tout à coup, frappant du poing sur la table :

— Ah ! bah ! laisser comme ça le pays, la famille, ses biens… c’est pourtant grave ! J’aimerais mieux un autre moyen. Au moins pourquoi n’emmènerais-je pas Grazia ? On pourrait bien nous marier tout de suite ?

C’était un vrai paysan : il voulait tout avoir et ne rien payer, et il marchandait avec moi les moyens de son salut, comme s’il eût dépendu de moi de le lui accorder au meilleur marché possible. Je me lassai bientôt de ce parlage sans conclusion aucune, et réclamai l’exécution de sa promesse de me faire visiter Oliena et ses environs.

Mais c’était le mettre à trop rude épreuve. Il me promena seulement dans le village et me pria de ne pas trouver mauvais qu’il me laissât aller seul, avec un-guide, aux Nur-Hags disséminés dans la campagne et à la fontaine de Calagoni. Je ne demandais pas mieux. Pour légitimes que, fussent les terreurs de ce pauvre garçon, elles ne m’en fatiguaient pas moins, et je ne désirais pas les augmenter.

Il était pourtant invraisemblable que Nieddu parcourût la campagne d’Oliena ; mais Antioco ne l’en eut pas moins rêvé, caché dans les Nur-Hags, ou parmi les rochers de la grotte. La peur, même quand sa cause est