Page:Leo - Grazia.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée

— À Cagliari ! dit-il, ça peut aller ! Oui ! ça me plairait assez de vivre à la ville. Mais je serais obligé de changer de costume ? J’y suis allé une fois, à Cagliari, et n’y ai pas vu un seul de nos justaucorps bleus et rouges. Après ça, ma foi ! je m’habillerai en signor. Et pourquoi pas ? Pour Grazia, le costume de signora lui irait si bien !…

— Mais vous ne pouvez pas la fuir et vous marier en même temps.

— Ah !… non, voilà le diable ! Je ne puis pourtant pas laisser ma fiancée.

— Vous la laisserez bien si vous perdez la vie. Conservez la vie du moins et consentez à perdre Grazia, au lieu de les perdre toutes deux en même temps.

— Ma foi ! vous avez raison. Mais de Ribas ?

— Vous lui écrirez que vous êtes désolé, mais que ce n’est pas votre faute, et qu’il ne lui en reviendrait rien, après tout, de vous faire tuer, puisque sa fille ne serait pas pour cela mariée.

— C’est juste. Vous me dicterez la lettre. Voulez-vous ?… Ah ! mais non, non ! Ils me traiteraient de lâche.

— Bah ! les gens de bon sens vous approuveront. Il y en a plus d’un autre, à Cagliari, qui a quitté son pays pour raisons pareilles, et ils n’en sont pas moins estimés là-bas ; d’autant plus que peu le savent, si on le sait.

— Reste à savoir si mon père me donnerait de l’argent ?

— Il ne voudrait pas avoir votre mort à se reprocher.

Antioco se plut quelque temps dans les arrangements qu’entraînait ce projet ; puis, tout à coup :

— Eh ! mais, dites done ? comme s’il était difficile de porter un fasil chargé, de Nuoro à Cagliari !

— Allons done ! il faudrait un acharnement… Votre ennemi se regardera probablement comme assez vengé de vous avoir fait quitter la place.