GRAZIA
VI. — (Suite.)
— Oh ! oui ! s’écria-t-il, on prenant sa tête à deux mains, c’est une situation terrible ! Je l’ai bien senti le jour où mon père, venant de faire sa demande à de Ribas, ce Nieddu est venu me dire : — Épouse ma cousine, ou tu mourras ! J’ai senti que j’étais pris entre deux meules et que l’une ou l’autre me broierait. Et pourtant, je ne voudrais pas mourir, non, je l’avoue. Jeune comme je suis, n’est-ce pas affreux, signor Francese ?
Il me regardait comme le seul être qui lui eût été compatissant ; des larmes, qu’il écrasait à mesure entre ses doigts, affluaient à ses yeux ; il rougit, toussa pour se raffermir la voix, et reprit :
— Si je leur disais ce que je vous dis là, ils m’appelleraient lâche ; aussi je ne le dis qu’à vous, qui savez si bien comprendre et qui avez plus d’esprit et de bon sens qu’eux tous. Mais est-ce que c’est honteux d’aimer la vie, de ne pas vouloir mourir ? Toutes les créatures sont comme cela, et ceux qui font les crânes, c’est tout simplement qu’ils savent bien se dominer. Depuis tout ce temps, j’ai pensé à bien des choses, allez !…J’ai pensé qu’on se donne tant de peine quelquefois