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d’aller pourrir dans le cimetière. Brrr !…Mais, ajouta-t il en s’efforçant d’éclaircir sa voix, je ne sors jamais la nuit, vous savez, et ce n’est guère dans le jour…

— Et comment pouvez-vous accepter une telle existence ? Quoi ! trembler sans cesse et calculer tous sés pas ! Redouter la mort à chaque instant ! N’avoir pas un instant de sécurité ! Sur ma parole, à votre place, j’aimerais mieux en finir tout de suite ; ce serait plus court et moins cruel !

— Vous avez raison, me dit-il d’une voix étouffée, cette vie-là n’est pas supportable. Savez-vous qu’il y a eu chez nous des gens qui sont morts de la crainte continuelle où ils étaient, vivant sous le coup d’une vendetta ? Il y en a même qui se sont tués pour en finir, comme vous dites. Non ! on ne peut pas vivre ainsi !…

Et le malheureux, qui pour la première fois se voyait plaint, au lieu d’être raillé ou méprisé, cacha sa tête dans ses mains, Ce n’était pas un homme capable de dominer ses instincts qu’Antioco Tolugheddu. Ne pouvant retenir ses larmes, il vint se jeter dans mes bras.

— Que faire ? Vous êtes mon ami, je le vois, conseillez-moi, que feriez-vous à ma place ?

— Je vous l’ai dit.

— Épouser cette fille ? Non, non, ce n’est pas sérieux, ce n’est pas un conseil d’ami. On se moquerait de moi, de faire un tel mariage.

— Ah ! bah !… La mésalliance ? Vous seriez plus noble qu’elle ?

— Nous sommes riches de père en fils, depuis plus de cent ans. Vous n’avez qu’à parler des Tolugheddu !

— Raison de plus pour ne pas laisser éteindre cette noble race. Vous êtes le seul fils de votre père, et puis ne savez-vous pas que dans les plus hautes familles, voire même rois ou empereurs, on se mésallie toujours de temps en temps pour une belle femme ?