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tion augmente. Après tout, que voulez-vous, on ne meurt qu’une fois.

Sur cette réflexion, le barracello, parvenu au point où son chemin différait du nôtre, nous quitta, et je ne sais si Antioco fut plus fâché de perdre son escorte, ou plus content de cesser d’entendre ses histoires.

Si peu de sympathie que j’eusse pour sa personne, je ne pouvais m’empêcher par humanité de plaindre la situation d’un homme ainsi menacé de mort, et qui redoute de voir à chaque pas, à chaque détour du chemin, derrière tout rameau qui tremble, ou toute pierre assez large pour cacher un ennemi, le canon du fusil qui doit lui ôter la vie ; c’étaient là mille morts au lieu d’une. Je regardais ce garçon, si plein de vie, si épanoui de satisfaction et de santé, moins d’un mois auparavant, et déjà blémi et amaigri par de continuelles terreurs ; je me disais que son indélicat égoïsme était bien rudement puni, et il me vint à l’idée, puisqu’il semblait assez peu touché du point d’honneur de sa race, de lui ouvrir une issue par où il put échapper à la terrible sentence portée contre lui, et du même coup délivrer Grazia.

— J’ai à vous parler, lui dis-je, ordonnez à votre domestique de prendre les devants. Non pas ! non pas ! s’écria-t-il. Pepeddo ne peut me quitter ! Parlez devant lui, si cela ne vous déplait point, c’est un homme fidèle ; ou bien nous aurons le temps de causer à la maison.

En même temps, il maintenait soigneusement son cheval dans la ligne que tenaient les nôtres, et, comme il s’était placé au milieu, nous lui servions de plastron à droite et à gauche ; on n’eut guère pu l’atteindre sans nous frapper, Pepeddo ou moi.

— Soit, dis-je, à la maison.

Ce ne fut pas difficile : le père se trouvait absent. Antioco fit servir un jambon, un morceau de bœuf fumant, deux perdrix froides, du miel, du fromage et des cerises, deux vieilles bouteilles de vin d’Oliena, et nous nous assîmes