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un ennemi qui en veut à votre vie, en tâche de le prévenir, tout bonnement ; on ne va pas crier, menacer, et demander des témoins. Peuh ! qu’est-ce que ça signifie ? Dans ce cas-là, il y a une balle pour l’un ou pour l’autre, on le sait, et l’on tâche qu’elle soit pour l’autre, voilà tout.

— Il vaudrait mieux, repris-je, essayer d’un arrangement…

— Quel arrangement, quel-arrangement ! s’écria-t-il, avec l’accentuation prononcée de surprise et de dédain, que les Italiens donnent à cette parole, interrogative et exclamative à la fois : che.

— C’est bon chez vous, me dit-il ensuite, avec plus de courtoisie, mais chaque pays a sa mode, n’est-ce pas ?

— Je vous demande pardon, lui dis-je, mais je croyais qu’en votre qualité d’agent de l’ordre public, vous vous occupiez d’empêcher ces vengeances personnelles, qui sont tout simplement des assassinats.

— Nous ! s’écria le barracello, avec indignation ; nous ! ça ne nous regarde pas ! Nous ne sommes pas des carabiniers, nous autres ! Nous garantissons les propriétés, voilà tout, et cela au risque de notre bourse et de notre vie ; mais pour les affaires personnelles des gens, non ! non ! Nous ne sommes pas des carabiniers, répéta-t-il, en grommelant.

Je vis que je l’avais sérieusement fâché, et je fis tout mon possible pour rentrer dans ses bonnes grâces, en lui vantant la beauté de son pays. Comme c’était au fond, un excellent homme, il reprit bientôt sa bonne humeur, et nous fit les honneurs du chemin, dont tous les détours étaient fertiles en incidents.

— Vous voyez ce tas de pierres ? c’est là que fut refroidi (freddato) un homme d’Oliena, Bartolomeo Sannis, qui avait refusé de donner sa sœur en mariage à un de Nuoro. On le trouva là au matin, et un voituriera. qui passait le mit sur sa charrette pour le reporter chez lui.

— Et l’assassin ?