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VI

Toutes choses étaient, à Nuoro, comme je les avais laissées. Les têtes fortes du café trouvèrent seulement singulier que j’eusse fait tant de chemin pour aller chercher des livres, quand il était bien plus simple et bien plus facile de venir causer entre gens d’esprit, faire quelques parties de cartes ou de billard, boire un verre et fumer plusieurs cigares. Tels sont les plaisirs dont la vie d’un homme de bon sens est occupée. Mais les Français ont des habitudes singulières ! — J’étais la France à Nuoro.

Comme il avait été convenu entre Effisio et moi, j’arrangeai ma vie à demeure pour une entière villégiature ; mon temps se partagea entre la lecture, la chasse, les promenades à cheval aux environs, et les causeries de l’amitié. La chasse, il est vrai, d’après la loi générale du royaume, est défendue ; mais cela n’empêche pas les coups de fusil de retentir dans les ravins et sur les cimes, où ne peuvent atteindre les chevaux des carabiniers. Et même sur les routes, que dire à un homme qui porte un fusil pour sa défense personnelle, précaution reconnue nécessaire ? Le carabinier croit avoir entendu un coup de feu, il se trompe ; c’était là-bas ! Puis, quereller un homme armé, dans ce pays de têtes chaudes, pour une mauvaise perdrix, lorsqu’il s’agit de bien autre gibier ! — Il y a eu cette nuit une agression à main armée dans la commune de V. — Un homme a été tué hier d’un coup de feu, comme il montait paisiblement l’escalier de sa maison. — Les habitants des villages voisins de X et de Z sont en bataille rangée, Guelfes contre Gibelins. — On craint cette nuit une attaque de la diligence de Paulilatino à Macomer, et il faut surveiller les campagnes de tous côtés, afin de savoir où les bandes se forment, où elles se dissipent. — Le carabinier passe et l’homme le salue d’un air narquois, attendant qu’il ait disparu pour reprendre sa chasse interrompue.