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Gaetano, qui a de bons yeux, a vu Sa Seigneurie à l’église.

Je partis, au grand désespoir de donna Rafaela, sans avoir pris le café, dont l’eau avait été puisée à la cruche, où elles allaient boire à même les unes après les autres. Je le payai toutefois, ce qui la radoucit, et elle me pria de ne pas l’oublier une autre fois ; car on pouvait être sûr chez elle d’un dîner propre et soigné. — Et ce n’est pas la même chose chez la Nanina, ajouta-t-elle.

Qu’allais-je devenir à X… ?

Pourtant, je passai deux jours chez don Gaetano, qui, charmé de voir un continental, et surtout un Français, me retint par mille instances. J’ai montré le prêtre à l’église ; à la maison, don Gaelano était un bon bourgeois assez érudit, parlant de toutes choses librement, comme si l’Évangile et la sainte Église n’eûssent jamais existé ; mangeant bien, buvant mieux encore, et très-libéral envers ses hôtes des excellents vins de Sardaigne, qui vieillissaient dans sa cave. Il me parla en passant de son inimitié avec le syndic.

— Ce coquin-là, me dit-il, serait capable de me tirer un coup de fusil !

— Un syndic !…

— Tout comme un autre ! je ne vais jamais sans ce revolver, ajouta-t-il, en me montrant l’arme qu’il tenait en poche. Ils le savent, et c’est utile. Je ne veux pas me laisser égorger sans résistance, comme ils ont fait du vicario d’Orune et de celui d’Oliena. Non ! non ! ils n’auront pas si bon marché de moi !

Je me disais tout bas : si les curés et les syndics s’en mêlent.

Don Gaetano eût voulu me garder une huitaine et me présenter à tous les notables de X… ; mais j’alléguai l’état de mon ami, à peine convalescent, et partis chargé d’excellents livres, en promettant de les rapporter moi-même.