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Le capucin troublé fit un appel à la concorde et descendit de la chaire.

Je revins dîner fort en joie et j’aurais fait un repas copieux, sans l’idée qu’eut la noble donna Rafaëla de déchiqueter de ses propres mains — propres mains et non mains propres — la volaille qu’elle me servit.

Cabizudu avait bien raison de dire que donna Rafaela donnait à manger pour manger elle-même, elle et ses filles : car, au lieu de trouver mon couvert mis, j’en vis quatre, et ces dames, toujours comme des châtelaines, daignèrent me tenir tête. C’était fort bien, si elles s’étaient servi de fourchettes ; mais tout se passa comme on Océanie.

Quel dommage que ces beaux pays du soleil haïssent tant la propreté, dont ils auraient tant besoin ! Les deux filles de donna Rafaëla étaient vraiment jolies ; elles rendaient plus poétique encore, par une certaine grâce non exempte de prétention, le costume pittoresque du pays. Mais il y avait certains détails… par exemple, de petites oreilles, presque aussi noires que les cheveux qui les entouraient… et ces détails gâtaient tout le reste.

— Signora Rafaëla, vint dire Cabizudu.

Qu’y avait-il, bons dieux ! Donna Rafaela s’était levée, rouge d’indignation :

— À qui parles-tu, maroufle, asinaccio (gros âne), cria-t-elle, ne sais-tu pas qui je suis ? Je suis une donna, fille et femme noble, et tu n’es qu’un vilain grossier. Tâche de rendre honneur à qui le mérite, et d’apprendre à parler à tes supérieurs !

— Que Sa Seigneurie m’excuse, dit Cabizudu confus.

Il va sans dire que Cabizudu avait mangé à l’office, autrement dit la pièce d’entrée.

— Je voulais seulement dire à Sa Seigneurie que don Gaetano lui fait réclamer son hôte. — Parce que, continua-t-il en s’adressant à moi, je ne me suis pas fait faute de raconter la vilenie que nous a faite la Nanina, et j’ai dit qui nous étions ; puis, don