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Elle avait trois enfants et pas de fortune. elle s’est remariée…

— Ah ! Ah ! avec un manant ?

— Pas du tout, signor, avec un autre cavaliere, encore plus noble. Seulement, il gardait les vaches à la montagne, parce qu’ils avaient perdu leur fortune depuis longtemps. Un jour, comme son bétail ne prospérait pas assez, il en a pris à d’autres, en sorte qu’il est aux galères pour dix ans. Vous voyez que dona Rafaëla a du malheur. C’est pourquoi, afin de pouvoir manger, elle et ses filles, elle s’est décidée à donner à manger aux autres ; mais non pas à tout le monde au moins ; il n’y a pas d’enseigne à sa porte et il faut être présenté.

— Diable !

Et je me mis à rire en pensant que j’allais être présenté par Cabizudu. Je n’en fus pas moins bien reçu, et dona Rafsela me donna la main, en me disant : — Soyez le bienvenu ! comme eût pu le faire une noble dame à la porte de son château. Elle et ses deux filles étaient vêtues à la mode paysanne de X…, peu différente de celle de Nuoro. Une différence qui me plut, c’est qu’elles laissaient voir leurs cheveux sous les châles de laine dont elles se couvraient la tête. Dona Rafaela me demanda ce que je voulais à mon dîner, comme eût pu le faire un maître-d’hôtel qui dispose de grandes ressources. Je lui laissai carte blanche, et, après nous être rafraichis, je me fis conduire à l’église par Cabizudu.

Les églises sardes sont pauvres comme le pays. Celle de X avait assez bonne mine ; mais tout s’y passait en famille, comme je ne tardai pas à le voir. Lorsque j’entrai, — Cabizudu retournait se mettre aux ordres de dona Rafaëla, la messe en était à l’évangile, et l’officiant, — don Gaëtano, se tourna vers le public, pour faire une publication de mariage : à peine l’avait-il prononcée, qu’enflant la voix, et s’adressant au troupeau de femmes agenouillées près de la porte, tandis que les hommes entouraient le chœur :