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quer un Sarde en colère, fut envoyé par Cabizudu à la Nanina. Je fus obligé de lui défendre de frapper encore ; il voulait, je crois, prendre le presbytère d’assaut.

— C’est una vergogna, signor, une infamie ! recevoir ainsi un ami de don Effisio ! Ah ! porcaria ! elle a beau être la bonne amie, je veux lui faire donner une volée de bois vert (legnata) par son maître. Il faut qu’elle soit là avec un galant ! Oui, j’en jurerais…

— Conduisez-moi de suite à l’auberge, lui dis-je.

— L’auberge ! sa Seigneurie se croit sur le continent, où il y a des auberges partout. Il n’y a pas d’auberges chez nous. À Nuoro, oui, parce que c’est une grande ville ; mais, ailleurs, l’hospitalité… les amis. On est Sarde, signor !

— Alors, trouvez-moi quelque part, au moins pour nos chevaux, une hospitalité que je puisse payer et où nous puissions manger du pain, et boire du vin, que vous m’acheterez.

— Du pain ! Il n’y a personne ici qui vende du pain, bien sûr. — Ah ! s’écria-t-il en se frappant le front, je me souviens, j’ai votre affaire ! Venez, signor ; nous allons chez une dame noble, dona Rafaëla.

— Je ne veux pas aller demander l’hospitalité, comme on demande l’aumône, dis-je en arrêtant mon cheval, que j’avais déjà poussé en avant. Menez-moi chez un pauvre, pourvu qu’il puisse procurer du son et de l’herbe à nos chevaux, et à nous seulement un coin d’ombre. M’avez-vous entendu ?

— J’ai parfaitement entendu Votre Excellence, répondit Cabizudu, avec une grande majesté, et Votre Seigneurie se serait épargné toutes ces paroles, si elle avait un peu plus de confiance en moi. Je vais la conduire chez dona Rafaela, où l’on paie très-bien…

— Ah bah !

— Oui ; c’est une veuve de cavaliere, dont le mari a été tué pour une inimitié (hemistà).