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cole, qui l’habite, va chaque soir, ou chaque matin, porter à toutes les issues du village les détritus journaliers de cuisines, des bêtes et des gens, de sorte qu’on ne peut aller à la campagne d’aucun côté, sans avoir à franchir, pendant une centaine de pas, un chemin jonché d’ordures. Le matin et le soir, les rues sont dangereuses pour les passants, par la fâcheuse habitude qu’ont les ménagères de vider par la fenêtre tous les vases de la maison. À l’intérieur des appartements, les commodités sont nulles ; et pour l’ornement des murs et des meubles, l’araignée semble fort appréciée comme tapissière, de même que la poussière sur le carreau, — poussière animée par une prodigieuse quantité de puces, dont les gens ne semblent même pas s’apercevoir.

Ces mêmes ignorances du confortable et de la délicatesse se retrouvaient dans la cuisine, surtout entre les mains de la vieille Angela ; mais ce qui me manquait plus que tout encore, incomparablement, c’était la lecture et le mouvement des idées. Peu de journaux, tous arriérés ; pas de livres, pas de bibliothèque. On peut trouver du charme à s’isoler momentanément du monde, au sein de la nature ; mais c’est à condition de porter avec soi cette partie de l’humanité qui est la moelle des siècles passés, et à beaucoup d’égards encore celle des siècles futurs. En outre, je ressentais souvent le besoin, au milieu de ces mœurs, de ces costumes et de ce langage d’antique provenance, de rafraichir mes souvenirs, d’étudier les origines, de pouvoir m’expliquer à moi-même ce que j’avais sous les yeux.

André Léo.
(À suivre.)