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monda, sombre et fière, ne venait plus à la danse, et passait dans le village sans se mêler aux conversations. On devinait la cause des angoisses d’Antioco. On regardait Nieddu, silencieux et grave, avec respect. Tout le monde savait, et dans cette agglomération de six mille âmes, seules, quelques personnes ignoraient tout, et ne devaient jamais rien savoir. C’étaient les agents de l’autorité, depuis le président du tribunal jusqu’au dernier carabinier, en y comprenant cette colonie italienne, composée de fonctionnaires et de spéculateurs, que la péninsule jette sur la Sardaigne, comme une métropole sur ses colonies, et qui représente la civilisation d’une manière absolument antipathique aux Sardes, — que ceux-ci aient tort ou raison.

J’avais mentalement fixé mon départ au jour du rétablissement d’Effisio ; et maintenant sa blessure était à peu près fermée : il se levait, sortait de sa chambre, mangeait assez bien, dormait à peu près, et, s’il restait mélancolique, il ne semblait point désespéré. Je parlai donc de partir ; mais au premier mot je le vis profondément chagrin, et il me supplia de rester, si aucun intérêt ne m’appelait ailleurs.

— Quoi, me dit-il, tu voyages pour ta santé et ta distraction : en dépit de la mauvaise réputation de la Sardaigne, tu ne trouveras nulle part un air plus pur qu’à Nuoro. Sur ces montagnes, n’arrivent point les miasmes des plaines, et les vents des deux mers renouvellent sans cesse notre atmosphère. Tu as un terrain illimité de chasse et de promenade ; mes chevaux pour courir la campagne. Après m’avoir aidé, secouru, soigné comme tu l’as fait, n’as-tu donc rien de plus pour moi ? qui, désormais, t’aime autant qu’un frère ? Demande-moi ce qui te manque, je tâcherai de te le donner ; mais reste auprès de moi, si nulle affaire urgente ne t’appelle. Tu ne saurais visiter en cette saison le reste de la Sardaigne ; car, à partir de juillet, c’est la saison de l’intempérie, à laquelle les étrangers ne peuvent s’exposer