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Ignorant alors ces détails, et mal au fait des mœurs locales, je fus surpris du changement d’humeur qui se produisit chez Effisio, après la visite de Nieddu. Son agitation, ses rages, ses accès de désespoir, disparurent ; il ne lui restait plus que de la tristesse ; on l’eût dit résigné. Quand je l’interrogeai sur le sens de la prophétie de Nieddu : — Ce mariage ne se fera pas ! — Il rougit, balbutia, et ne me fit que des réponses embarrassées.

— Oublie cette parole ! me dit-il, je t’en prie, et ne la répète à personne.

Depuis sa maladie, nous nous tutoyions.

— Mais pourquoi ?

— Si tu étais appelé en justice pour témoigner, que ferais-tu ?

— Étrange question ! Je dirais ce que je sais, ce que j’ai vu ou entendu, en un mot la vérité. Est-ce que vous ne faites pas de même, vous autres ?

— Quelquefois. Et maintenant qui préfèrerais-tu. Nieddu ou Tolugheddu ?

— Tu le sais bien ; je t’aime trop pour ne pas haïr un peu ton rival, qui d’ailleurs me représente un type d’égoïsme et de fatuité, fort général à ce qu’il paraît. Nieddu, au contraire, me paraît un jeune homme plein de sentiment et d’honneur, et son air doux et pensif m’intéresse. Mais il ne s’agit pas de cela !

— N’y pense plus ! Et que nul ne sache ce que nous a dit Nieddu.

De telles recommandations d’ordinaire produisent l’effet contraire ; j’eus soupçon de la vérité, ma conscience s’émut et je posai à Effisio le cas du mandarin de Voltaire

— Ce n’est pas la même chose, me dit-il ; ton consentement ni le mien n’ont rien faire ici. Tout se passe en dehors de nous.

— Mais le silence est une complicité.

— Non, quand on ne peut sauver l’un sans perdre l’autre.

— Tu diras ce que tu voudras ; vos diables de mœurs ne mettent pas la conscience