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— Et où te disait-il cela ? reprit Nieddu d’une voix altérée, mais insistante.

— Là-bas, dans la tanca (enclos) des grosses pierres, à une heure du matin, répondit-elle en se cachant le visage.

— Ah ! malheureuse ! Fille indigne ! s’écria-t-il, en la secouant rudement, malgré la promesse qu’il avait faite, c’est ainsi que tu as soigné ton honneur !…

Puis, il la lâcha, et fit quelques pas seul, cherchant à contenir sa douleur et son désespoir. Raimonda le suivit et, les mains jointes :

— Fedele, j’ai gravement péché, je le sais ; mais je te le jure ! par la Madonna et par tous les saints, il n’a pas triomphé de moi ! je lui ai toujours dit : — Non ! je veux être vierge le jour de nos fiançailles ; je ne risquerai point de mettre la honte au front de ma mère ; quand ton père sera venu dans notre maison, alors je serai à toi !

Nieddu poussa un long soupir.

— Ainsi, reprit-il, il t’a promis mariage, et il a essayé de te séduire ! Et il t’a de plus gravement compromise ; car, je l’ai bien vu au graminatorgin : on riait de toi, et tout le monde semblait au fait de la jalousie. Quelqu’un vous aura surpris dans la tanca ?

— Une fois, dit-elle, pleine de confusion, Miale, le pastore, a passé près de nous ; je me suis cachée derrière la grosse pierre, et je ne sais s’il m’a reconnue.

— Et d’autres peut-être t’auront vue sortir de la maison après minuit, ou y rentrer avant l’aube. Et voilà ton honneur perdu, Raimonda ! Que ferait ton père, s’il était encore de ce monde ?

— Tue-moi, si tu veux ! Je ne ferai pas de résistance, va ! Guéris-moi de la vie ! j’ai le poison dans le cœur, et je souffre plus que pour mourir.

— Je te vengerai ! dit-il. Tu es ma sœur, et Tolugheddu t’a outragée. Il faut qu’il t’épouse ou qu’il meure ! Je ferai mon devoir !

— Tu veux lui parler ? demanda-t-elle.