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Nieddu me serra la main, avec un sourire mélancolique, où passa je ne sais quoi d’étrange et de cruel, et me répéta, sans autre explication :

— Il ne se fera pas !


V

Voici, comme nous le sûmes plus tard, ce qui s’était passé entre Raimonda et Fedele Nieddu, le soir du graminator giù :

Fedele Nieddu reconduisit sa cousine chez elle. Elle était voisine des Ribas. Aussi laissèrent-ils de suite la troupe, encore folâtre, avec laquelle ils étaient sortis, pour s’engager dans une de ces ruelles sombres et tortueuses qu’on décore à Nuoro du nom de rues, et au bout de laquelle était la demeure de Raimonda. Il était minuit. Les portes était fermées, la ruelle était silencieuse, tous ceux qui n’avaient point été en fête dormaient depuis longtemps. Nieddu s’arrêta et prit la main de sa cousine.

— Qu’as-tu à faire avec Antioco Tolugheddu ? lui demanda-t-il.

Raimonda voulut retirer sa main et recula ; Nieddu la retint.

— Parle, tu dois tout me dire ; tu n’as plus ni père ni frère ; et c’est moi qui les remplace. Dis-moi ce qui s’est passé entre toi et Antioco.

— Et que veux-tu qui se soit passé ? Rien du tout. Pourquoi me demandes-tu ça ? Antioco ne m’a seulement pas parlé ce soir, et moi non plus.

— Tu n’as que trop parlé, Raimonda, et non-seulement ceux qui ont des oreilles ont entendu, mais ceux qui ont des yeux ont pu voir. Tu as trahi ton secret, ou peut-être le savait-on déjà ; car nul n’a paru surpris et l’on a ri méchamment de toi, pendant que celui pour qui tu oubliais tous les autres ne te voyait même pas. Il n’a d’yeux que pour Grazia de Ribas.

Raimonda se débattit de nouveau pour échapper à l’étreinte de son cousin, et, ne