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que je serais heureuse de mourir, puisque je ne puis être à vous ! Oubliez-moi ; car je veux que vous du moins vous soyez heureux. Je prierai pour vous Effisio, aussi longtemps que mon cœur battra. Ne vous faites pas trop de peine pour moi, et que j’aie la consolation d’apprendre bientôt que vous êtes guéri. Je salue de cœur votre bon ami. Je ne puis aller vous voir : je ne le puis pas !

» À vous mon âme pour toujours !

» Grazia de Ribas.

Les réticences de ce billet nous furent bientôt expliquées par la voix publique. Une scène terrible avait eu lieu entre de Ribas et sa fille. Il l’avait battue, foulée aux pieds, et la malheureuse enfant gisait dans son lit, malade, et, comme elle nous l’avait dit, brisée.

Au village, il n’y a guère de secrets ; de Ribas dans sa fureur avait laissé échapper des éclats de voix significatifs ; aussi disait-on hautement que Grazia ne voulait point de Tolugheddu, et qu’elle en aimait un autre. Seulement, les versions variaient sur le point de savoir qui était l’amant préféré. Les uns nommait Effisio, les autres Pietro de Murgia. Nieddu ne s’y trompa point. Étant venu, c’était la troisième ou quatrième fois, visiter Effisio, il nous dit que Pietro de Murgia, lui aussi, avait demandé Grazia en mariage, et avait été refusé, bien qu’il eût offert des cadeaux superbes.

Ne m’a-t-on pas dit qu’il était pauvre ? observai je.

— Il l’était, répondit Nieddu, d’un air mystérieux ; mais il parait qu’il ne l’est plus. Quelque temps encore, il causa de son air pensif et doux ; puis, se levant, et sans autre préambule :

— Grazia de Ribas est malheureuse, parce-que son père veut lui faire épouser Antioco Tolugheddu. Mais ce mariage ne se fera pas !

Effisio tressaillit et regarda Nieddu sans lui répondre ; moi, étranger naïf, je m’écriai :

— Comment ? Qui l’empêchera ?