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honneur de fille ; on a prétendu que tu aimais sans ma permission. Moi, je m’étais promis de le prier, de lui dire que j’aimais Effisio… mais le voyant ainsi, j’ai eu peur et n’ai pu répondre. Il a repris : « Si je le croyais !… » Et il a levé la main comme pour m’écraser. Je me suis enfuie. C’est par Effisedda que j’ai su qu’Effisio s’était trouvé mal. Mon père l’a raconté devant elle à ma mère en disant : « Il est plus malade qu’on ne croit. » Cela m’a brisé le cœur, et je suis venue…

— Seriez-vous capable de déclarer à votre père que vous ne voulez point épouser Tolugheddu, et trouveriez-vous la force de lui résister pendant deux années ?

Elle répéta :

— Deux années !… en frémissant d’épouvante.

— Et alors, ayant atteint votre majorité, consentiriez-vous à vous rendre chez Effisio, qui vous respecterait et vous défendrait, pendant les formalités judiciaires, nécessaires à votre mariage ?

— Chez Effisio ! s’écria-t-elle, au comble de la surprise.

— Oui ; car pendant ce temps vous ne pourriez rester dans votre famille, où vous seriez trop exposée. Il faudrait faire des sommations à vos parents.

La pauvre Norésienne me regarda comme si j’étais fou.

— Vous me conseillez d’agir comme une femme de mauvaise vie, dit-elle. Quel honneur apporterais-je donc à mon mari ? Et puis, avant noue mariage, mon père m’aurait tuée, et lui aussi.

Elle se tourna vers Effisio.

— Il sera plus simple de mourir, dit-elle, du chagrin qui m’emplit le cœur.

— Ah ! s’écria-t-il, reste ! mourons cette nuit même ! N’emporte pas ma vie avec toi !

— Vous vous perdez. Grazia, dis-je en entendant chanter les coqs du village.

— Eh bien ! dit la jeune fille en ramenant sa jupe sur sa tête, je pars ! mais je revien-