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et je tremblais pour Grazia. Je les trouvai presque dans la même attitude ; elle, assise à côté du lit, à demi-couchée, les mains dans celles d’Effisio, leurs deux fronts unis ; ils pleuraient, se parlaient ; on eût dit que leur sentiment d’amour, jusque là paisible, indécis et contenu, avait tout à coup rompu ses digues, comme le torrent gonflé par les neiges de la montagne, aux rayons du soleil de mai. Ils ne sentaient plus que leur amour, ne vivaient plus que pour lui. Ma voix les éveilla comme d’un rêve. Je crus voir qu’ils n’avaient parlé de rien de ce qu’ils avaient à faire, et s’étaient absorbés dans la joie, nouvelle pour eux et foudroyante, de s’aimer. Honteux et bien à regret, je dis à Grazia :

— Il faudrait partir, hélas ! Il est près de deux heures. La nuit s’éclaircit ; les gens se lèveront bientôt pour aller dans la campagne. Il ne faut pas que vous soyez aperçue.

— Oui, dit-elle, il faut partir !

Elle souleva lentement la tête, puis, jetant un faible cri :

— Ah ! Mais quand le reverrai-je ?… O mon Dieu ! mon Dieu !…

— Grazia ! dit la voix plaintive d’Effisio, oh ! que ne suis-je fort ! je t’emporterais bien loin d’ici !…

— Il faut s’entendre, dis-je, avant de se séparer. Grazia, que voulez-vous ? que pensez-vous faire ?

— Je ne sais, répondit-elle. Non ! je ne sais pas !… Si vous savez ce que je dois faire, dites-le moi.

J’hésitai. Évidemment, il fallait de la résolution, de la force. Mais la force ne s’inspire pas. Dans un tel milieu, d’ailleurs, la lutte pouvait aller pour elle jusqu’au martyre et de telles choses relèvent de l’inspiration, non du conseil.

— Grazia, lui demandai-je, que vous a dit votre père lorsqu’il est rentré de chez Effisio ?

— Il m’a regardée d’un air terrible, et je me suis mise à trembler. Puis il m’a dit : « Quelqu’un aujourd’hui a parlé contre ton