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Car l’homme, fils de la Terre, ne pouvant s’alimenter par lui-même, il lui faut sa part de l’héritage maternel, une matière de travail quelconque, sur laquelle il ait droit d’agir sans la permission de personne.

Or, les privilégiés détiennent tout, par eux ou par leurs serviteurs. Ils détiennent par conséquent le travail, qui est le pouvoir de vivre ; et ils en trafiquent à leur gré. Ils achètent pour du pain la journée du travailleur, journée excessive, commencée à l’aube, et souvent prolongée dans la nuit, qui épuise les forces des misérables, sans leur fournir les moyens de les réparer, et qui en même temps confisque l’âme, ou détient — par la monotonie et la désespérance d’un travail machinal, sans cesse répété, ne permettant aucune distraction, ni compensation morale — toute la vie en somme pour quelques sous.

L’enfer n’est pas un rêve, car ce fut l’enfer de l’humanité — il est vrai que le travail était l’effet de la malédiction divine sur les fils d’Adam. — Depuis que l’irréligion et le droit humain ont commencé d’affranchir l’homme, il s’est produit quelques atténuations dans cet enfer, grâce à une ténacité patiente, à des souffrances héroïquement supportées. Cependant, il existe encore beaucoup d’ateliers où l’on impose onze à douze heures de travail, même à des femmes, même à des enfants ! Et cela en échange d’un salaire qui ne peut fournir une nourriture suffisante. Et combien d’ouvrières en chambre, courbées sur le travail depuis l’aube jusqu’à minuit, arrivent difficilement à gagner de 1 fr. 25 à 1 fr. 50 pour elles et pour leurs enfants ?