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l’œuvre consciencieuse d’un historien moderne qui s’est appliqué à faire connaître, non le relief extérieur des triomphes et des splendeurs du grand roi : batailles, ambassades, fêtes, galanteries ; mais l’inhumaine, l’odieuse, l’épouvantable misère du peuple à cette époque, bien moins grande que criminelle. Il y a là des pages touchant les exactions de la monarchie et la barbarie des seigneurs, que je voudrais lire dans notre école. Ne pensez-vous pas que pour mieux faire sentir au peuple la nécessité de l’instruction, et lui faire chérir l’indépendance, il serait bon de lui exposer le spectacle de l’abjection et de la souffrance où l’a tenu longtemps l’ignorance de ses droits ? Car l’enthousiasme du bien n’existe point sans la haine du mal, et pour les attacher aux biens qu’ils possèdent, pour leur inspirer le désir de nouveaux progrès, il serait efficace de leur apprendre combien le passé doit être haï.

— Eh mon Dieu ! s’écria le vieux gentilhomme en se levant et en marchant dans la chambre, en ces temps-là l’ignorance était la même pour tout le monde, et les seigneurs croyaient aussi naïvement que les paysans à la divinité de leurs droits.

Ils n’étaient pas d’ailleurs tous cruels et méchants, et beaucoup furent ce qu’ils devaient être, c’est-à-dire les protecteurs de leurs vassaux. Et puis, à quoi bon ces récriminations et ces haines contre un système qui n’est plus ? Ces gens-là maintenant dorment tranquillement dans leur tombe, et ce qu’ils ont fait de mal, ils l’ont payé chèrement. Ne vaut-il pas mieux oublier de