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Et pourtant je ne veux pas… je ne puis supporter que vous pleuriez. Calmez-vous. Ah ! si vous saviez quelle puissance vous avez sur moi !…

— Monsieur, interrompit Mme de Carzet, qui dompta son émotion par un violent effort et dont le visage devint sévère, tout ceci ne vaut pas la peine… et c’est moi qui vous prie de calmer votre exaltation… et de ne plus faire de telles imprudences. Quant à moi, je suis depuis quelque temps ridiculement nerveuse, voilà tout.

Elle se releva sans vouloir accepter la main d’Émile, et remit négligemment toutes les fleurs à Marthe.

Émile fut accablé de ce dédain. — Elle ne m’aime pas ! — Ce mot, qu’à l’instant il se dit, resta dans son oreille, y tintant comme un glas, à chaque pas qui le rapprochait de la Ravine, où il reconduisit Mme de Carzet. Pendant le retour, le babil de Marthe seul rompit le silence ; la jeune mère essaya bien de soutenir la conversation ; mais elle n’obtient de son compagnon morne et atterré que des monosyllabes distraits. Elle-même finit par garder le silence, et peut-être ses traits n’exprimaient-ils pas une tristesse moins profonde. Ne trouvant pas le baron à la maison, Émile prit congé brusquement et partit désespéré.

La bonne Mme Keraudet, qui du premier coup d’œil vit sa peine, essaya de le consoler par toutes sortes de bonnes raisons, lui reprochant son trop d’impatience.

Mme de Carzet a des scrupules, disait-elle ; cela se conçoit. Mais plus elle t’aimera, moins elle en aura : il fau-