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par la brume et le soleil de teintes roses ou de nuages, actives ou immobiles, robustes ou déchiquetées, elles ont toujours dans leur attitude quelque chose de ce que recouvre le front des sphinx : le cachet fantastique des agents de l’inconnu. Le maître auquel elles obéissent, imprévu, gracieux, ne souffle qu’à son heure, vient d’on ne sait où. Tantôt, elles l’attendent, mornes, mélancoliques ; tantôt vives, animées, superbes, elles s’ébranlent de leur grand vol et tracent majestueusement leur cercle immense dans l’air. C’est le génie humain, encore ignorant et pauvre, qui profite des forces de la nature, sans pouvoir les dominer, mais en revanche revêt toutes ses créations d’une incomparable grâce.

De loin, ainsi dressées sur les hauteurs, avec leurs bras étendus, ces constructions pittoresques me semblent toujours formuler, agenouillées, la phrase de l’Oraison dominicale : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. C’est du ciel, en effet, qu’elles attendent la force nécessaire à procurer l’alimentation des hommes, tandis que la formidable usine, assise au fond des vallées, puissante, impassible, si elle a puisé dans la nature son principe d’action, se l’est soumis le possède d’une manière permanente et souveraine. Entre les idées et les formes existent des rapports, des affinités inflexibles : libérale par nature, en dépit des savants, la science a pour fin d’extirper de ce monde la faiblesse et l’obéissance.

Nous ne nous serions point permis