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baisers qu’Émile reprenait sur son front et de mille tendresses inavouées.

Marthe, ce jour-là, semblait plus préoccupée qu’à l’ordinaire d’user de son pouvoir ; elle avait refusé de marcher, et, portée dans les bras d’Émile, elle demandait sans cesse telle ou telle chose, et particulièrement, car la lune ne brillait pas, tout ce qui se trouvait à la pointe des arbres, ou en d’autres lieux inaccessibles. Sa mère la grondait. Émile l’excusait et persistait à garder son léger fardeau ; car lorsqu’il tenait l’enfant dans ses bras il se sentait plus près du cœur de la jeune mère.

Ils étaient descendus jusqu’au fond du ravin et marchaient le long du ruisseau, dans les prairies encaissées entre les coteaux boisés. La lumière et l’ombre, dans cette profondeur, offraient d’admirable contrastes, les reliefs enluminés éclataient au bord des plis sombres ; tout le haut des bois étincelait de soleil, et le ciel, s’allongeant au-dessus de leurs têtes en bande azurée, semée de nuages blancs et fauves, paraissait plus haut.

— Oh ! mon ami, vois ces jolies fleurs là-bas. Je les veux !

— Cela ne se peut pas, dit Mme de Carzet. Il faudrait retourner au pont et faire beaucoup de chemin.

— C’est égal, reprit l’enfant, je les veux ! je les veux !

Et elle tendait les bras. Émile mesura du regard la longueur et les sinuosités de la prairie, derrière lui.

— Monsieur Keraudet, puisque ma fille dit : je veux, je dirai : je ne veux pas, reprit Mme de Carzet, qui, pour plus d’autorité, posa le bout de ses doigts