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liances, et dans tout ce mouvement et dans toutes ces luttes, au milieu de ces spectacles, il était devenu penseur. Sa taille droite et haute, son front large, son œil perçant, marquaient l’énergie et la santé. Son sourire avait un grand charme. Il adorait la discussion, l’échange des idées, entrant en campagne à tout propos, un peu subtil parfois, toujours sincère.

Ses opinions n’étaient bien conformes à aucun programme et ne résultaient que de l’application de son sens moral et de son esprit à l’examen des faits et des idées.

Cependant il tenait beaucoup à passer pour démocrate, et, dans ce désir il lui arrivait souvent d’exagérer un peu en paroles ses convictions. Sommé de passer de la théorie à l’acte, s’il croyait juste d’agir, il n’hésitait point ; mais il fallait peut-être qu’il en fût sommé. Sa raison marchait en avant de lui.

Tout démocrate que se disait le baron, il n’en était pas moins gentilhomme des pieds à la tête, dans ses habitudes, ses manières, ses goûts. Il faisait fi des titres, mais ne pouvait supporter qu’en lui parlant on oubliât le sien ; entre ses serviteurs et lui, bien qu’il fût bon, facile, généreux, la distance était marquée par quelque chose d’infranchissable, qui n’est précisément ni la froideur, ni le mépris, qui n’exclut pas la bonté, mais ne laisse pas plus de place à l’humaine fraternité que l’enfer n’en laissait à l’espérance. En somme, tout en professant l’égalité, pour respirer à l’aise il avait besoin de cette atmosphère de respect et de déférence pour sa personne, dans laquelle il avait toujours