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FEUILLETON
DU PHARE DE LA LOIRE DU 4 MAI.
======= N° 8 ======
ATTENDRE-ESPÉRER

II
(Suite).

La conversation fut un peu trainante ; le baron presque seul en faisant les frais, et tout en causant il observait tour à tour d’un regard perçant ses deux interlocuteurs, dont la préoccupation était mal dissimulée. Au bout de quelques instants, Mme de Carzet se retira : bientôt après, le jeune docteur voulut prendre congé de son hôte : mais le baron, fort en train de causer, l’accompagna jusqu’au bout de l’allée des bois.

— Combien je vous remercie, lui dit-il, de l’œuvre excellente que vous nous avez suggérée ! À mon âge, quand l’âme ne s’est pas animalisée par le bien-être de l’égoïsme il reste si peu de croyances vivantes, et même d’affections, qu’on est trop heureux de trouver une occupation qui satisfasse à la fois nos besoins d’activité, notre conscience et notre raison. Se replier sur soi-même est s’affaisser ; ne plus vivre que de soi, c’est épuiser lentement ses forces. Je ne me sens point près de mourir : on naissait vigoureux de mon temps, et je suis capable d’en avoir pour vingt ans encore et de mourir en pleine activité, surtout si je puis fonder quelque