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rires, la pudeur de son embarras. Elle tournait vers lui la tête, étonnée de son silence.

— Comment pouvez-vous avoir peur de moi ? balbutia-t-il d’une voix altérée.

— Je ne sais, répondit Mme de Carzet, rêveuse, en roulant autour de ses jolis doigts les vrilles d’une clématite, je redoute votre critique, apparemment.

— Ah ! c’est trop injuste ! reprit-il en mettant dans son accent tout le sentiment de l’injustice qui lui était faite, mais sans protester plus éloquemment ; car en ce moment il n’avait plus d’esprit du tout le docteur Émile.

— Ainsi donc, monsieur, vous ne viendrez pas demain.

— Vous me défendez de revenir ?

— Pendant la lecture seulement.

— Ah ! savez-vous combien cette défense est cruelle ? s’écria-t-il. Une heure pendant laquelle je pourrais vous voir et vous entendre ! Ah ! je vous en supplie, ne me la refusez pas !

Il la vit rougir, hésiter ; un flot de passion le souleva, et, saisissant la main de la jeune femme, il y appliqua fortement ses lèvres. Un silence, plein de stupeur des deux côtés, suivit cette action ; puis Mme de Carzet retira vivement sa main, en laissant échapper une exclamation si vive, si stridente, qu’on eût dit un cri de terreur. Émile, autant que sa propre émotion le lui permit, la vit tremblante. En ce moment, le baron parut au bout d’une allée ; la jeune femme descendit vivement les marches et courut à lui. Émile bientôt les rejoignit.

André-Léo

(À suivre.)