tes, cette femme que rêvent la plupart des hommes, lierre par la grâce et par le besoin d’appui. Cependant, Émile était encore vis-à-vis d’elle dans cette période où l’amour se nourrit et se satisfait d’admiration. Heureux de la confiance qu’elle lui témoignait, de ses attentions affectueuses, il lui eût semblé trop audacieux de prétendre lui-même inspirer de l’amour, de l’enthousiasme à une créature si charmante et si supérieure. Même, de la part d’un autre, de telles visées lui eussent paru dignes des plus grands châtiments et des plus écrasants mépris. Et si tout au fond de son âme couvait à cet égard une indulgence latente en faveur d’un seul audacieux, il ne voulait point encore se l’avouer à lui-même. Aussi jouissait-il, en retour, de la béatitude promise aux humbles par l’Évangile, et naturellement acquise à ceux qui désirent peu.
Cependant, il y avait un moment où cette béatitude se changeait en angoisse, où la conscience élevait sa voix plus clairement, où la réalité, de ses angles, perçait le rêve, c’est quand, partant pour la Ravine, ou au retour, Émile Keraudet passait entre les fenêtres du capitaine et de Mlle Chaussat. Un bain d’eau glacée lui eût fait éprouver une sensation analogue. C’est qu’il était sûr d’être toujours assailli par quelques propos de ce genre :
— Comme vous sortez de bonne heure, et comme vous rentrez tard à présent ! monsieur Keraudet. On ne vous voit plus que de ce côté. J’ai cru d’abord qu’il y avait une épidémie ; mais il paraît que c’est vous qui inspi-