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bouclier d’Achille et tout ce que déposèrent les Grâces dans la ceinture de Vénus. C’était par une magie semblable qu’Émile et Mme de Carzet, sans trop le vouloir, brodaient d’émotions secrètes, de furtifs bonheurs, d’éblouissements et de charmes leur philosophie. Si les extatiques d’autrefois, les amants farouches du pur idéal céleste s’y trompèrent, combien n’était-ce pas plus facile à ces deux jeunes gens, qui prétendaient simplement réaliser un peu de cet idéal sur la terre ? Dans celle entreprise naturelle et juste, l’amour était auxiliaire, non point ennemi. Aussi ne s’en défièrent-ils pas. Émile seul, doué de plus d’expérience, y engagea sans doute un peu de sa bonne foi ; mais quant à Mme de Carzet, fièrement et chastement imprudente. elle s’embellissait chaque jour de rayonnements et de sourires, sans savoir pourquoi.

Émile, jeune comme elle, plus instruit que le baron, plus décidé dans ses jugements, lui devint bientôt un compagnon presque indispensable, et elle s’habitua à le consulter en tout. Mme de Carzet, malgré l’énergie qu’elle déployait lorsqu’elle était sûre de bien agir, avait, lorsqu’il s’agissait de former ses décisions, les mille inquiétudes qui agitent les consciences délicates et timorées.

Aussi languissante dans la rêverie que vive dans l’action, il y avait en elle de ces contrastes qui frappent l’imagination des hommes et les ravissent. Souvent un peu triste, abattue, elle était bien alors, que cela tint à sa nature ou à la lassitude d’épreuves déjà souffer-