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Carzet et sa femme de chambre donnaient ensuite aux jeunes filles et aux femmes une leçon de couture, pendant laquelle tout le monde disait son mot sur divers sujets, au hasard de la causerie. C’étaient, le plus souvent, des réflexions et propos sur ce qui venait d’être enseigné, des explications nouvelles, et, partant de là, mille digressions vagabondes. Ces entretiens, qu’animaient d’un côté le désir sincère d’être utile, de l’autre une ardente et naïve curiosité, étaient peut-être les leçons les plus fécondes. Ils mêlaient fraternellement, tout surpris de ce comprendre, ces deux éléments sociaux, qui, dans les relations ordinaires, se côtoient et se heurtent sans se connaître, l’homme instruit et le paysan.

Ces réunions devinrent promptement la grande nouvelle du pays. Dans la vie monotone des gens de la campagne, remplie seulement de soins matériels et de commérages, toute nouveauté fait grand bruit. Que des barons se fissent maîtres d’école, déjà, c’était bien assez pour ébahir ; mais quand il se rapporta que cet escholage parlait de choses vraies, utiles au monde[1], et plaisantes[2] comme pas un conte, on accourut de loin pour voir. Quelques expériences de physique mirent le comble à l’enthousiasme. L’auditoire augmenta sans cesse, et la plupart des curieux devinrent écoliers assidus.

André Léo.
La suite au prochain numéro.
  1. Aux gens.
  2. Qui plaisent, et non pas risibles, comme l’usage a fait prévaloir par corruption.