ne parole tient si peu de place ! et une bonne parole peut féconder un esprit. Si peu que nous obtenions, ce sera un point de départ qui rendra plus faciles de nouveaux efforts…
— Vous êtes un apôtre, madame, dit Émile.
Mme de Carzet sourit.
— Je suis une femme oisive et lasse de l’être. On nous apprend à ne vivre que de sots plaisirs et seulement pour nous-mêmes. Je veux bien faire, et apprendre à ma fille à faire bien.
Émile partit ébloui ; mais vers le milieu du chemin, il lui vint un doute. N’avait-il point affaire à ces esprits ardents, mais légers, que toute nouveauté passionne, et dont l’enthousiasme est vite épuisé ? Cette jeune femme si belle, et jusque-là si gâtée sans doute, n’allait-elle point être rebutée bien vite par la tâche qu’elle embrassait ? Le baron n’était-il point de ces grands seigneurs qui aiment, par caprice, à se rendre populaires, mais ne recherchent dans une telle situation que ses bénéfices, et sont offensés de la moindre familiarité ? Émile Keraudet, homme instruit et riche, avait été reçu en égal ; mais il ne lui avait pas échappé que le baron traitait ses domestiques avec une bonté vraiment écrasante, et que toutes ses allures étaient fort aristocratiques. Il craignit donc une déception et rentra chez lui un peu froid.
— Il est allé rendre la visite dès le lendemain, souffla Mlle Chaussat à l’oreille du capitaine. Est-ce assez plat ? Il parait que la noblesse est la société qu’il fallait à ce monsieur. Je ne l’aurais pas cru si vaniteux que cela.
— Je vous l’avais bien dit, répliqua le capitaine. Je connais les jeunes