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FEUILLETON
DU PHARE DE LA LOIRE DU 1er AVRIL.
======= N° 5 ======
ATTENDRE-ESPÉRER

II
(Suite).


C’est une bien charmante femme, et je dois avouer qu’elle m’a gagné le cœur tout entier par un mot qu’elle m’a dit sur toi : « Que vous êtes heureuse, madame, d’avoir un tel fils ! Avec une haute intelligence, il est profondément bon ; on voit cela tout de suite. » Je l’aurais presque embrassée ; car elle est si peu entichée de son rang qu’on ne voit en elle qu’une bonne personne. Tu sais que je n’aime point à me déranger et que je m’excuse vis-à-vis de tout le monde sur mes occupations. Et bien ! cependant, j’ai promis de l’aller voir, et je remplirai cette promesse de bien bon cœur.

Si prudent que soit un homme, que peut-il contre la fatalité s’imposant à lui sous forme de convenances sociales, d’intérêt public, de devoir, de sympathie, d’influence maternelle, quand elle ne lui laisse le choix qu’entre passer pour grossier, ou devenir ridicule ? Le baron de Beaudroit avait quitté Émile en lui faisant promettre de venir, dès le lendemain, à la Ravine, achever l’élaboration de leurs plans. Émile avait promis. De bonne foi, pouvait-il dire : « Veuillez m’excuser monsieur ; je crains d’aimer votre fille. » Aussi ne le dit-il point.

D’ailleurs, il faut avouer qu’il n’en