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— Insuffisantes au premier chef, monsieur, et par le nombre, et surtout par le programme et l’exécution. Croirez-vous avoir fait un ouvrier si vous mettez dans la main du premier venu un outil dont il ignore l’usage ? Et pensez-vous avoir instruit le peuple, par cela seul que vous lui avez appris à lire et à compter ? Non ; le maladroit se blesse avec l’instrument qu’il ne connait pas ; le peuple s’empoisonne l’esprit par la lecture des crimes et des romans à deux sous, ou se le fausse par les petits livres que lui tendent à bon marché les amis de l’obscurantisme, de l’obéissance et de la misère.

Instruire le peuple, c’est lui montrer ce qu’il est et ce qu’il doit être, d’où vient le monde et où il va ; c’est lui raconter sa propre histoire, et non l’ébahir par celle de ses exploiteurs ; ce serait lui apprendre la nature, au milieu de laquelle il vit, et cependant qu’il ignore ; sortir l’école enfin des parchemins et des tombes pour l’établir dans la vie, son objet direct, évident, indéniable, délaissé pourtant. Car, si nous sommes courbés sous le poids de nos archives et de nos dissertations, à l’égard du bon sens et de la simplicité, nous sommes encore dans l’enfance. Au rebours de tout ce qu’on a rêvé jusqu’ici, c’est par le compliqué, le circuit et l’embrouillé que l’esprit humain commence. Le simple, aussi bien que l’âge d’or, n’est pas en arrière, mais en avant. Donc, simplifier l’enseignement, le rendre utile à l’homme, applicable à la vie ; faire toucher du doigt à ce pauvre paysan, qui ne s’en doute, à quoi cela peut être