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sira bien, éclairé. Pour nous, qui tournons embarrassés autour du problème de l’amélioration des classes laborieuses, nous l’attaquons de tous les côtés, excepté du seul par où il peut être résolu. Le nœud gordien, ici desserré, se resserre ailleurs ; il faut le trancher.

— Comment ? demanda le baron.

Mais, avant qu’Émile eût repris la parole, la jeune femme se hâta de dire :

— Ce nœud, c’est l’ignorance.

— En effet, madame, dit Émile radieux.

— Je devine, reprit-elle en souriant, ce que vous m’avez dit l’autre jour, et à quoi j’ai beaucoup pensé depuis, que le seul remède, la panacée, est l’instruction. En effet, elle donne à chaque être toute la force qu’il peut posséder et le pouvoir de s’affranchir lui-même. Elle nous décharge tous de cet écrasant fardeau, l’aumône, qui réduit si vite à l’impuissance le bienfaiteur, et à la lâcheté l’obligé. Vous le voyez, monsieur, nous sommes d’accord maintenant.

Émile rougit d’orgueil et de plaisir :

— Oui, répondit-il vivement pour cacher son trouble, plus je considère l’état des choses, et plus je rapporte tous nos maux à une seule cause, l’ignorance du peuple ; plus je reconnais que toutes les réformes sont illusoires, sans une seule, qui doit les précéder et qui les renferme toutes, l’instruction du peuple. Et si j’étais d’un sénat quelconque, je ferais de cette question mon delenda Cartago. Malheureusement, les sénats détruisent quelquefois des Carthages, ils n’en édifient jamais.

— Il y a partout, dit le baron, des écoles primaires…