Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussi ne songeait-elle que d’user sa pauvre vie à mettre sou sur sou, dans l’idée qu’elle avait de pouvoir peut-être l’exempter. Et comme aussi bien, s’il venait à tomber au sort et être forcé de partir, elle en mourrait, ce n’était pas tant la peine de se ménager à ne rien faire.

— Il ne tombera pas au sort, et vous l’aurez privé de sa mère, dit le docteur.

— Vous croyez, monsieur Émile ? Ah ! si je savais ! Mais on croit à la male heure toujours plus qu’à autre chose. La jeune dame est comme vous, elle veut me donner une servante ; mais ce n’est pas le tout que de la payer, il faut la nourrir, et…

— Quelle dame ? demanda Émile hypocritement.

Mme de Carzet. Elle est venue ce matin.

Le docteur se leva d’un bond :

— Voyons, soignez-vous, reposez-vous, ou je ne reviendrai plus.

Il partit sur ces mots, laissant la bonne femme tout effarée de sa brusquerie et murmurant :

— Je ne lui ai pourtant point dit de mal.

Il faut dire qu’Émile était revenu à des sentiments plus bienveillants vis-à-vis de Mme de Carzet. En se rappelant ses traits, son attitude, la douceur de sa voix, l’expression modeste et pure de toute sa personne, il était devenu certain qu’elle était bien ce qu’elle paraissait être, simple et vraie, et s’était proposé de lui recommander certains de ses plus pauvres clients. André Léo.

La suite au prochain numéro.