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subitement d’agiter un grave incident.

Que s’était-il donc passé ? Rien pourtant que de bien simple. Une visite à une malade, et la rencontre d’une Parisienne. Mais dans cette monotone existence de la campagne tout prend les proportions d’un événement.

Il n’y avait rien de plus calme à l’ordinaire que la vie du docteur Émile. Un malheur subit, la mort de son père, l’ayant rappelé de Paris, où, sa thèse passée, il s’oubliait depuis tantôt trois années, il vivait près de sa mère et n’avait quitté Savenay que pour quelques excursions à Nantes et dans la Bretagne. Ce n’était pas qu’il ne songeât bien souvent à cette existence d’artiste flâneur et de philosophie sous les toits, qu’autrefois il avait menée dans la grande ville bruyante et studieuse. Il n’y songeait même qu’en soupirant.

Vingt fois il avait formé le projet de retourner à Paris, de s’y établir, d’y passer au moins l’hiver, puisque sa fortune le rendait indépendant de sa clientèle. Il se disait en murmurant qu’on ne pouvait, après tout, quand on se sentait des ailes, se nouer à la patte les liens de la famille et des habitudes provinciales ; que cette vie monotone l’énervait, l’engourdissait, le vieillissait avant l’âge ; que, ne pouvant supporter les commérages de petite ville, ni les préjugés de province, il ne pouvait non plus vivre uniquement de solitude et de rêverie ; qu’enfin, parmi les jeunes beautés de la localité offertes à ses vœux, nulle n’ayant excité son enthousiasme, le mariage, s’il s’y