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contemplant, les yeux d’Émile s’emplirent d’une admiration qui allait jusqu’à l’éblouissement. Ceux de Mme de Carzet, détachés de la pensée qui les avait un moment fixés, considéraient maintenant le paysage splendide qui se déroulait devant eux.

Du haut de cette colline, on domine le cours de la Loire, sur une étendue de dix à onze lieues, de Saint-Étienne de Montluc à son embouchure dans l’océan. L’écart du Sillon de Bretagne met de ce côté deux lieues de prairies entre le coteau et le fleuve, qui se montre au loin sous la forme d’une large bande étincelante ou jaunie, tandis que les coteaux de la rive opposée n’apparaissent qu’enveloppés de ce voile bleuâtre dont l’éloignement revêt les objets.

Le soleil, s’abaissant à l’horizon, faisait alors succéder à l’illumination générale du jour toutes les munificences particulières qu’il dispense à cette heure en souverain capricieux, tantôt sur les humbles, tantôt sur les superbes de son royaume ; ici, baignant de flots d’or les herbes folles, échevelées d’allégresse ; là, transfigurant la cime des grands chênes ; illuminant au loin le mât d’une barque de pêche, plus près le clocher de l’église, les toits du village, et, sur les coteaux, le vernis reluisant des bois ; ici, mirant sa face éblouissante dans l’étroite lucarne d’une pauvre demeure, et là-bas faisant de tel point du fleuve comme une immense cuve d’or en fusion.

Une partie des prairies, au pied des collines, était déjà dans l’ombre, tandis que sur l’autre de grandes nappes de