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à rappeler le passé, en savourant, le présent, — car il est un plaisir plus doux que celui d’observer du rivage les naufrages d’autrui : c’est de revoir de loin, au sein du bonheur, ses propres périls.

Mais on entendit le sable de l’allée crier sous un pas, et, en écartant les pampres, ils aperçurent la bonne Mme Keraudet, qui, prévenue à son retour de la visite d’Antoinette, et la sachant avec son fils au jardin, s’avançait un peu timidement. Ils se levèrent pour aller à sa rencontre, et, dès l’abord, la jeune femme, en l’entourant de ses bras, lui apprit tout d’un seul mot dit à l’oreille : « Ma mère ! »

Ils montèrent ensemble, pour se rendre à la Ravine, dans la voiture de Mme de Carzet, et en les voyant passer ainsi tous les trois, dans un bon accord si évident, Mlle Chaussat, fort surprise, courut chez le capitaine, où mille commentaires eurent lieu. D’où sortit cette vérité minutieusement élaborée, et qui prévalut dans le pays, que, devant le coup de tête de sa fille, force avait bien été au baron de céder. En revanche, sur ce manque de soumission à la volonté paternelle, Mlle Chaussat, chrétiennement, prédit au jeune couple un menaçant avenir, que jusqu’ici rien ne réalise. — Mais encore un mot sur cette journée, qui fut la première du bonheur de mon ami le docteur Émile.

M. de Beaudroit, apprenant, au retour de sa promenade, que Mme de Carzet était allée chercher le docteur pour soigner Marthe, qui n’avait jamais été mieux portante, ni plus gaie, attendait avec une impatience pleine d’anxiété. En voyant revenir sa fille, accompa-