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sance et de floraison. Je sens maintenant, je suis sûre que mes devoirs envers vous priment tout souvenir et tout autre lien ; je sais qu’en vous aimant je ne trahis point ma fille et que vous travaillerez à son bonheur avec moi ; mais je ne sais tout cela, Émile, que parce que, maintenant, je vous aime, de cet amour complet qui est à la fois une confiance et un dévouement sans bornes, et qui devient, pour celui qui l’éprouve, le devoir le plus religieux. Mais c’est en vérité presque malgré vous que j’ai persisté dans cet amour et lui ai permis de s’accroitre, malgré votre fuite, qui semblait tout rompre entre nous, malgré vos duretés, votre éloignement et votre silence.

— Vraiment ! dit-il en frémissant. Ah ! vous avez raison ! L’amour est une religion qui ne veut ni doutes, ni défaillances, ni prudences, ni réserves.

Oui, j’ai eu tort ; j’ai agi pauvrement ; je songeais à moi. Oui, je devais persister à vous aimer à tous risques, sans espoir. Où l’amour seul décide, à quoi bon tout ce luxe de réflexions, de calculs, de craintes ? Mais, chère adorée, vous m’avez fait croire à votre haine. Quand, l’autre jour, vous me préfériez le danger, quand vous vous écartiez de mes bras…, on l’eût dit, avec horreur.

— Oh ! vous ne devinez rien, monsieur, dit-elle en couvrant de sa main son visage rougissant. Faut-il donc tout vous dire ?

— Tout ! demanda-t-il avec passion.

Elle hésita encore, balbutia et dit enfin :

— C’est que je vous aimais trop !

Ils seraient ainsi restés jusqu’au soir