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j’avais su qu’il restait le même, que vous souffriez loin de moi.

— Eh quoi, s’écria-t-il, vous pouviez en douter ?

— Qu’en savais-je ? Vous étiez absent ; à votre retour, je vous trouvai sombre et froid. Vos visites étaient rares ; vous m’évitiez. Qui pouvait me dire si c’était de l’amour ou du ressentiment ?

— Grand Dieu ! Que pouvais-je faire ? Après votre refus…

— Ah ! sans doute, c’est de ce refus que vient tout le mal.

— Ne devais-je pas désirer de connaître ma destinée ?

— Au risque de la perdre ? Eh non ! dit-elle en secouant sa tête charmante et en souriant, il ne fallait pas vous expliquer.

— Cependant…

— Tenez, Émile, j’étais à la fois plus naïve que vous et plus rusée. Je me rappelle que j’avais une peur affreuse de cette déclaration que vous cherchiez à me faire, et j’aurais voulu pouvoir vous dire, vous supplier, de ne point me parler d’amour. Car moi, je n’étais pas prête, je ne vous aimais pas encore assez ; ma résolution de ne pas me remarier tenait trop encore. Je dis non, et vous jugeâtes que vous deviez dès lors vous retirer. C’est en effet l’usage ; nous traitons le sentiment comme une affaire : « Voulez-vous ? ne voulez-vous pas ! Voyez et jugez. » Mais le sentiment a son heure et ne dépend point des faits. Sans mon excellent père, qui vous aime profondément, nous étions à jamais séparés sur ce refus.

— Ainsi, je n’ai été malheureux que par ma faute ?