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vres, et craignant de l’offenser par de trop vives expressions :

— Ma mère a-t-elle été prévenue de votre visite, madame ? demanda-t-il.

Cette parole sembla frapper au cœur la jeune femme. Elle pâlit ; ses larmes s’arrêtèrent subitement, ses mains retombèrent sur ses genoux.

— Ah ! dit-elle d’une voix brisée au bout d’un instant de silence, vous m’en voulez beaucoup, je le vois.

— Moi ! s’écria-t-il, moi ! je pourrais vous en vouloir !…

— Oui, je vous ai fâché, l’autre jour, au moulin… Ah ! si vous saviez ?…

Et penchant la fête, comme un enfant qui veut être pardonné, elle s’approcha si près que ses cheveux effleuraient l’épaule d’Émile.

En la voyant dans cette attitude, à la fois tendre et suppliante, il se crut fou et faillit le devenir :

— Si je savais ! répéta-t-il. Que dois-je savoir ! Ah ! madame, expliquez-vous.

— C’est pour cela que je suis venue, murmura-t-elle, et… et je n’ose pas… je ne puis, car… vous ne m’aidez pas du tout, Émile.

En entendant son nom dit ainsi par elle, il fit un cri et jeta ses bras autour de la taille de la jeune femme. Alors, elle appuya tout à fait la tête sur l’épaule d’Émile, et, tout inondé de ses cheveux parfumés, il entendit ces mots, prononcés de la voix la plus douce et la plus tremblante :

— Ne comprenez-vous pas ? ou ne m’aimez-vous plus ?

Comprendre ! non vraiment, il ne le pouvait ; car il se sentait pris d’une sorte de vertige intellectuel et les images tournoyaient dans son cerveau,