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voix. Restez assis, je vous prie. Vous avez été malade… je l’ai su… Pourquoi ?…

La voix lui manqua, elle baissa la tête, et puis tout à coup prit la main d’Émile, et, la serrant entre ses deux petites mains :

— Pourquoi, reprit-elle, ne pas nous avoir avertis de votre souffrance ? On ne garde pas ainsi le silence vis-à-vis de ses amis. J’étais depuis trois jours bien inquiète de vous. Ne l’avez-vous pas deviné ?

Elle rougissait et pâlissait tour à tour.

« Que veut-elle ? se disait Émile. Vient-elle se jouer de ma passion ? »

Trop ému pour supporter plus longtemps le toucher de ces belles mains, il retira la sienne et dit avec amertume :

— Que vous êtes charitable et bonne, madame, de m’accorder tant de pitié !

— De la pitié ! s’écria-t-elle en fondant en larmes, de la pitié !

— Mon Dieu ! qu’avez-vous, madame ? Vous serait-il survenu quelque chagrin ?

Mme de Carzet ne répondit pas, et ses larmes continuèrent de couler, tandis que, pour dérober un peu son trouble, elle tournait la tête.

— Madame, dit Émile en s’animant malgré lui, pourquoi pleurez-vous ? Dites-le-moi, je vous en supplie, et s’il était encore possible que j’eusse le bonheur de vous être utile, disposez de mon dévouement.

Elle semblait ne pouvoir répondre, tant son sein était oppressé, tant son émotion était vive. Ému lui-même au delà de toute mesure par les pleurs de cette femme qu’il adorait, Émile sentait la folie de son cœur lui venir aux lè-