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bien encore. Mme Keraudet vous remercie bien des fraises que vous lui avez envoyées ; les siennes ne sont pas encore mûres.

— Ah ! bien. C’est tout ce qu’elle vous a dit ?

— Oui, madame ; seulement on voit que cette pauvre dame a bien du chagrin. Elle avait les yeux pleins de larmes. Il paraît que son fils n’aime plus ce pays, ou du moins il dit que l’air ne lui est pas bon et qu’il préfère vivre en Italie.

— Pauline, dit Mme de Carzet après un instant de silence, dites qu’on attelle. Je vais aller voir Mme Keraudet et savoir si le docteur ne pourrait pas soigner Marthe qui n’est pas bien.

Quand la femme de chambre fut sortie, Mme de Carzet jeta des regards émus sur sa fille, qui, satisfaite de voir qu’on s’occupait de sa maladie, s’était remise à jouer.

— Marthe, dit-elle en serrant l’enfant sur son cœur, tu aimes beaucoup le docteur Émile.

— Oui, dit l’enfant.

La jeune mère la couvrit de baisers et sortit.

Après la scène du moulin, la faible espérance que gardait Émile s’était anéantie, et la douleur la plus poignante l’avait accablé. Être fort amoureux et perdre l’esprit sont synonymes dans toutes les langues ; il avait donc ainsi raisonné :

— C’est de l’horreur que je lui inspire. Mon amour l’offense. Et son refus est plus qu’une résolution, c’est un instinct.

À l’horrible souffrance qu’il éprouva il reconnut alors que tout ce qu’il avait