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une chute mortelle, et je ne puis penser qu’à cela ! Confiez-vous à moi ; il le faut.

— Non, maintenant je pourrai descendre seule, dit-elle en se rapprochant de l’échelle, tout en observant une courbe qui la tenait éloignée d’Émile.

Plein d’effroi pour elle, quoique tremblant en même temps de sa propre audace, Émile saisit le bras de la jeune femme.

— Pardonnez-moi ; mais je ne puis vous permettre cette imprudence.

— Laissez-moi ! s’écria-t-elle de nouveau, avec une telle expression de détresse que, pétrifié de surprise et de chagrin, il cessa de la retenir.

Aussitôt elle se précipita sur l’échelle, et, avec un frémissement indicible, il la vit descendre seule. Au mouvement trop tardif qu’il fit pour l’arrêter, elle répondit :

— Je ne crains plus le vertige à présent.

À l’expression de ses traits, on voyait en effet que ce vide, tout à l’heure tant redouté, elle s’y engouffrait comme dans un asile. Elle descendit sûrement et fut bientôt en bas, près de sa fille et de la meunière.

— Eh bien, notre ami, dit Marthe, ne venez-vous pas ?

Émile ne fit pas de réponse. L’enfant appela de nouveau, et, surprise d’être si mal obéie pour la première fois, tandis que sa mère, au dehors, se remettait de son émotion, elle grimpa de nouveau lestement et vit Émile debout, les yeux fixes et comme pétrifié. De grosses larmes coulaient sur ses joues. Marthe fut saisie de ce spectacle. Les enfants ne comprennent pas