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ce fatal amour. Il ne se présentait donc plus guère à la Ravine que le dimanche pour son cours, et le baron, à son tour froissé, ne l’invitait plus.

Ainsi se passèrent les mois d’août, de septembre, d’octobre. Émile sentit qu’il ne gagnait rien sur lui-même et perdait ses forces dans une pareille lutte. Il se dit qu’il fallait en finir de quelque manière ; il s’indigna que sa destinée fût ainsi le jouet de la volonté d’une autre. Il caressa les résolutions les plus folles, depuis celle d’épouser Mlle Bernereau jusqu’à celle de se tuer. Il osa se dire qu’après tout Mme de Carzet ne pouvait renfermer à elle seule tout l’idéal et tout le bonheur de ce monde. Il se le dit. Mais il n’en crut rien. Toute la décision qu’il put prendre fut d’aller passer l’hiver à Paris.

Pendant son absence, la jeune veuve fit de fréquentes visites à Mme Keraudet. Très-naturellement, on ne parlait que d’Émile ; Mme Keraudet n’était point ce qu’on appelle vulgairement une femme d’esprit, mais elle était mère et sut tout dire, sans offenser la jeune femme, qui n’écartait point l’entretien.

Émile revint aux beaux jours, plus âpre, plus mécontent, plus irritable que jamais. Interrogé sur Paris, il ne sut trop que répondre, et l’on finit par découvrir qu’il n’avait guère visité que l’École de médecine, les bibliothèques et l’Institut. Il avait retrempé ses études, voilà tout, et c’était là toute la distraction que lui avaient fournie les plaisirs de Paris, où l’opinion publique le prétendait plongé.

Avec un peu moins de sauvagerie et