l’avis d’Antoinette, que votre sagesse a pleinement rassurée et qui prétend que vous avez pris le bon moyen pour guérir. Ma foi, c’est en effet une bien belle vertu que la prudence ; mais vous la volez à mes soixante ans.
— Je voudrais conserver un fils à ma mère, dit Émile rougissant et agité.
— Les bons fils font les bons pères et les bons époux, dit le baron ; et, serrant la main d’Émile, il partit en disant : Au revoir, docteur.
Après son départ, un violent combat se livra dans l’âme d’Émile entre l’amour et la prudence. Retourner à la Ravine, n’était-ce pas renouer sa chaîne et la river peut-être à jamais. Mais, d’un autre côté, qu’avait-il gagné à son absence ? Il n’avait point cessé d’aimer Antoinette ; il n’avait obtenu que de s’habituer un peu à vivre d’amertume et de regrets.
Sa mère acheva de le décider à renouer quelques relations avec le baron et sa fille, non-seulement en essayant de lui communiquer l’espoir secret qu’elle avait elle-même vis-à-vis de la jeune femme, mais aussi en faisant intervenir dans ce drame de la destinée de son fils le chœur moderne, conduit par le capitaine et Mlle Chaussat :
— Eux qui ont, dit-elle, tant clabaudé sur ton départ, ce sera leur donner un beau démenti que de retourner à la Ravine comme auparavant. Ils n’y comprendront plus rien, et nous pourrons dire hardiment, et même ce sera la vérité, qu’ils ont menti en assurant que tu avais été refusé par le baron.
Quelques jours après, Émile se présenta à la Ravine, à l’heure où Mme de